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Nina Helleboid

Autrice, créatrice sonore, chroniqueuse
  • La livraison post-confinement est-elle un marqueur éthique pour les consommateurs responsables ?

    Mai 03, 2020

by Nina

nina.helleboid@gmail.com

Temps de lecture : 4 minutes

Livrer ou non pendant le confinement ?
Quelles sont les attentes des consommateur·ice·s de mode responsable envers les marques de mode.

Le jeune livreur Dilili dans le film de Michel Ocelot Dilili à Paris

Les créateur·ice·s de mode éthique que j’ai rencontrés ont en commun une empathie profonde et une grande sensibilité. C’est justement cette conscience aiguë de leur responsabilité, qui a poussé nombre d’entre eux et elles à quitter un job plus ou moins confortable pour se réinventer à leur échelle, et être acteur du changement en proposant des produits issus d’un mode de production plus juste.

Empathie et sensibilité sont les moteurs de l’éthique. Face aux difficultés financières réelles, ces valeurs sont mises à rude épreuve pour les marques éthiques.

Et ce sont justement ces traits de caractères, l’empathie et la sensibilité qui sont le moteur de l’éthique, qui font que ces entreprises choisissent des valeurs différentes, des valeurs qui leur correspondent.

Et ces valeurs ont été mises à rude épreuves pour ces créateurs en temps de confinement. Nombreux sont celles et ceux à être tiraillés entre la nécessité financière de poursuivre les ventes et l’arrêt des ventes pour la sécurité de tous. Et face à ce dilemme, il n’y a pas de bonnes solutions et chacun-e-s fait comme il et elle peut selon sa situation.

Je n’ai aucune « leçon » à donner à celles et ceux qui choisissent de continuer de livrer pendant cette période, je ne peux que comprendre l’angoisse financière des jeunes marques, qui d’ordinaire ont déjà une rentabilité relativement faible. D’autant plus que ces marques éthiques sont souvent jeunes et ne rentrent pas dans les critères d’éligibilités aux aides de l’Etat.

Face à cette situation exceptionnelle, le sondage mené par l’application Clear Fashion auprès des consommateurs de mode responsables apporte un éclairage intéressant.

L’application de transparence Clear fashion, a interrogé ses lecteurs et utilisateurs, donc des consommateurs sensibles à l’éthique et à la transparence.
Le sondage révèle que :

extrait du sondage Clear Fashion à consulter sur l’app

59% des consommateurs estiment que les livraisons d’articles de mode devraient être interdites pendant le confinement.

59% des consommateurs estiment que les livraisons d’articles de mode devraient être interdites pendant le confinement.
extrait du sondage Clear Fashion à consulter sur l’app

73% des consommateurs éthiques souhaiteraient que les marques proposent la livraison post confinement.

extrait du sondage Clear Fashion à consulter sur l’app

Ainsi, ces chiffres sont rassurants pour celles et ceux qui ont choisi la livraison post confinement pour rester en adéquation avec leur valeur et ne pas pousser à la consommation en cette période.

Ce choix révèle une approche globale de l’éthique, qui est aussi un point important pour les consommateurs éthiques.
Cet argument « d’approche globale cohérente »  est justement un argument récurrent parmi les témoignages de consommateurs « victimes » de greenwashing.
Cet argument a été largement remonté par les lecteurs de WeDressFair lors de leur campagne antigreenwashing : du vrai pas duvert .

Ainsi, cela conforte l’idée qu’une marque éthique doit parfois faire des choix qui, en terme de business  semblent contradictoires.

Etre une marque « éthique » c’est toujours remettre en question le modèle établi pour faire autrement, au plus juste, selon ses valeurs.

Et cela passe aussi par la communication.
Et aussi contradictoire que cela puisse paraitre, la discrétion peut aussi être un choix stratégique au plus proche des valeurs d’une marque.
Ainsi, en cette période de confinement la discrétion assumée, la volonté de ne pas pousser à la consommation sont des choix qui  apportent  une réelle valeur ajoutée au long terme et bénéficie à l’image de marque auprès de son coeur de cible.
Ne pas pousser à la consommation pendant le confinement c’est inclure ses contradictions. C’est aimer profondément son projet et ses produits tout en ayant conscience qu’ils ne sont pas indispensables, aussi écoresponsables soient-ils.
C’est aussi incarner le changement dès maintenant sans attendre le monde d’après et ses promesses qui ressemblent étrangement à celui d’avant.

Pour ces consommateur·ice·s l’exigence éthique et la démarche globale de la marque sont des priorités dans leurs achats responsables.

Les consommateur-i-ces responsables sont les premiers à être conscients que la mode n’est pas indispensable puisque 59%  des consommateurs sont pour l’interdiction des livraisons d’articles de mode.

Les consommateurs responsables sont les premiers à vouloir réduire leur consommation de vêtements, ils et elles apprennent à ne pas faire d’achat compulsif, mais des choix réfléchis.

Il est temps de ne plus réfléchir selon des règles marketing dictées par un modèle de consommation dont on veut se débarrasser.

Il faut du courage pour oser inventer de nouveaux modèles basés sur ses valeurs et les attentes
des consommateur·ice·s responsables.

Les consommateur-ices responsables se rappelleront tout autant les marques qui ont fait preuve de discrétion en cette période.

La sensibilité tout comme l’éthique c’est aussi apprendre à s’écouter quand on fonctionne différemment des « modèles établis ».
C’est avoir confiance que sa différence est une valeur ajoutée et réussir à l’assumer aussi dans son business.

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Nina Helleboid - Chroniqueuse · Créatrice sonore · Autrice