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Nina Helleboid

Autrice, créatrice sonore, chroniqueuse
  • Communication éthique : ne pas confondre éthique et charité post-coloniale.

    Mai 18, 2020

by Nina

nina.helleboid@gmail.com

Temps de lecture : 5 minutes

Chères marques, nous consommateur·ice·s voulons de l’éthique pas de la charité, de la transparence pas des promesses.

Ethique et entreprise de la transparence pas des promesses photo Aernout Overbeeke
Photo : Aernout Overbeeke

Pour de nombreuses marques, l’éco-responsabilité devient une case à cocher pour respecter le carnet de tendance RSE .
L’option « don à une association » est souvent la case 1 pour travailler son image « éco responsable ».
Ces mêmes entreprises qui participent activement à la pollution et la déforestation plantent donc des arbres par exemple.
Nous ne sommes plus dupes, nous consommateur·ice·s, nous voulons des actions concrètes maintenant et pas le prochain carnet de promesses RSE.
Nous souhaitons que les ressources naturelles utilisées pour fabriquer, ou financer ses produits soient préservées.
Nous attendons de ces entreprises qu’elles regénérent ses ressources à la hauteur de l’impact que l’entreprise a sur ces même ressources.
Que la reconstitution du vivant soit basé sur l’impact de la production et non sur l’acte d’achat.
En tant que consommatrice je ne soulage pas ma conscience quand l’entreprise plante un arbre parce que j’achète son produit.
Ce n’est pas de ma responsabilité de gérer son impact sur la planète.
Il est de ma responsabilité de consommer moins, et auprès d’entreprise qui prennent pleinement leur responsabilité sur leur production.

L'artiste Liu Jianhua, sculpte la crise environnementale
 dans son oeuvre  Yiwu Survey, 2006
L’artiste Liu Jianhua, sculpte la crise environnementale
dans son oeuvre Yiwu Survey, 2006

Ne pas confondre commerce équitable et charité post coloniale.

Je tiens dans cet article à clarifier ce qu’est le commerce équitable dans l’industrie textile.
L’objectif est de repérer les marques pour qui l’éthique est le cœur de leur projet de celles qui surfent sur une tendance.

Le commerce équitable c’est :  garantir aux producteurs des prix stables et rémunérateurs pour vivre dignement de leur travail et adopter des modes de production respectueux de leur environnement.

Et ça veut dire quoi « vivre dignement » ?
Ça veut dire un salaire en adéquation avec le coût de la vie.
Un salaire qui permet aux travailleur·e·s de couvrir l’ensemble de leur besoin, et non pas le minimum vital permettant de manger trois fois par jour.
Un salaire décent couvre donc à minima l’alimentation, la santé, l’éducation, le loyer, le transport et aussi l’épargne et les loisirs.
Oui épargner n’est pas un luxe réservé aux riches.
Source : CleanClothesCampaign
Il s’agit de traiter exactement de la même manière le comptable du bureau d’à côté que l’ouvrier-e  à 100 000 km.

Un don versé à une association ne garantit pas des conditions de travail équitables.

Ainsi planter un arbre, envoyer une petite fille à l’école, donner une paire de chaussure, de lunette à chaque produit vendu ne relève pas du commerce équitable.

Toutes ces initiatives de dons sont de bonnes actions en soi, mais elles ne doivent pas masquer la réalité des conditions de travail des personnes qui fabriquent les produits de la marque.
Ces dons ne remplacent pas une rémunération juste et une transparence sur les conditions de fabrication.

Ce don ne signifie en rien que les personnes qui ont fabriqué les vêtements, accessoires ont été rémunérées dignement.
Tant que les marques ne font pas preuve de transparence sur leur chaine de production ou  ne sont pas labélisées par des labels équitables (max havelaar, sloweare…) , il n’y a pas de garanti.
Et cette solidarité ne favorise pas l’autonomie des personnes,  mais entretient une dépendance.

la charité est le moyen d'entretenir la pauvreté, de la formenter, de la pérénniser. Blasco Ibanez

Par ailleurs, lorsque le don est réalisé dans d’autres pays que le sien, que signifie le fait de décider  à la place des populations concernées ce qui est « bien » pour elles ?
N’est-il pas temps d’abandonner le réflexe d’ingérence ?
 Pourquoi ne pas tout simplement payer les ouvrier·e·s textiles assez décemment pour que ces personnes  puissent  agir à leur échelle, dans leur pays et comme elles le souhaitent ?
 Les personnes concernées sont toujours  plus à même de décider ce qui doit être fait dans leur pays pour améliorer leur propre situation.
Elles n’ont pas besoin de nous « occidentaux » pour être sauvées, elles ont uniquement besoin d’être payées à leur juste valeur pour le travail fourni.

Le commerce équitable est une relation d’égalité et non de dépendance.

Souvent, je lis les promesses de marques indiquant « permettre à des communautés [de telle ou telle région lointaine] d’avoir un emploi durable et de perpétuer leur savoir faire ».
Et j’ai envie de rappeler que faire travailler des personnes « loin » n’est pas une faveur que nous occidentaux leur accordons. 
Ces ouvrier·e·s permettent à la marque d’avoir une rentabilité plus importante que si ce même travail était fait en Europe.
 Il ne faut pas masquer l’avantage de la marge sous une charité qui donnerait bonne conscience. 
Il serait plus juste d’écrire que la marque « participe » au développement de ces communautés sans créer de dépendance.
Il ne s’agit pas de faire « survivre » des communautés en déclin, mais bien de redistribuer justement  le fruit du travail et du savoir faire des ouvrier·e·s.
 L’objectif du commerce équitable est bien de sortir de ces relations de dépendance pour aller vers des rapports d’autonomie et d’égalité.

Ces relations de dépendances coûtent la vie de milliers d’ouvriers.
Actuellement, de nombreuses marques produisant leur vêtements au Bangladesh refusent de payer leur sous-traitants pour les commandés passés, produites ou en cours de production parce qu’elles savent qu’elles ne les venderont pas.
Est-ce que ces mêmes marques, cessent de payer leur agence de marketing ou leur mannequin parce que telle publicité ne sera finalement pas diffusée ?
C’est bien ce rapport de domination qui est révélé dans cette attitude inacceptable.

Et maintenant on fait quoi ?

You have a super power and it 's called empathy
Photo du compte instagram de l’artiste Henry James Garrett

Restons vigilants et attentifs pour ne pas être les prochaines victimes du greenwashing dans nos prochains achats.

RAPPELONS NOUS :
– Reverser un pourcentage de vente à une association ne garantit pas que les personnes qui fabriquent les vêtements sont rémunérées correctement.
Un don garantit par contre une défiscalisation à l’entreprise.

– Un don peut donner une belle image engagée sans que l’entreprise fasse d’effort de responsabilité auprès de ses sous traitants, des ressources utilisées, ni de transparence auprès de ses clients : c’est du social washing.

Le commerce équitable, c’est rémunérer justement les personnes sur la chaine de production, et ainsi par ce salaire donner les moyens aux employés de faire des dons  à leur échelle, si elles le souhaitent.
C’est laisser l’autonomie aux personnes concernées de s’emparer de leur problème à leur échelle.

Le commerce équitable ne « sauve » personne, il respecte les personnes.

Concrètement, qu’est ce que je peux faire ?

Oeuvre de l'artiste Barbara Kruger, I shop therefore I am.
Oeuvre de l’artiste contemporaine Barbara Kruger

S’informer sur les dessous de fabrication de nos vêtements :

Le collectif Ethique sur l’étiquette

Le mouvement Fashion Revolution France

Le documentaire sur l’impact de la fast fashion The True Cost

Agir en consommant des marques vraiment engagées et respectueuses.

Où les trouver :

SLOWEARE
Toutes les marques référencées sur le label SloWeAre.
SloWeAre est un label.
Les marques sont certifiées et référencées après avoir passé un audit strict. SloWeAre n’est pas rémunéré par les marques pour qu’elles figurent sur son site.

TEAM DREAM ACT
Le site en ligne Team Dream ACT de référence de la consommation responsable.

We Dress Fair
WeDressFair c’est un eshop et une boutique à Lyon, engagée dans la mode éthique. Au vu de leur engagement et leur dernière campagne de sensibilisation du Vrai Pas du Vert, les marques sont scrupuleusement sélectionnées.

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Nina Helleboid - Chroniqueuse · Créatrice sonore · Autrice