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Nina Helleboid

Autrice, créatrice sonore.
  • De quelle identité de femmes nos culottes sont elles le reflet ?

    Mai 13, 2019

by Nina

nina.helleboid@gmail.com

Temps de lecture : 4 minutes

De quelle identité de femmes nos culottes sont-elles le reflet ?

Cette réflexion autour du sous vêtement est née d’une rencontre avec la créatrice de la marque Madame Porte La Culotte. Victoria, la créatrice m’a raconté comment sa marque est née. Après un voyage d’un an en mode roots, sans miroir, avec très peu de vêtements elle s’est interrogée sur son rapport au corps, son rapport à la fameuse « féminité ».
Sa marque est l’aboutissement de sa réflexion, elle a créé les culottes qu’elle avait envie de porter : sans chichi, sans froufrou, ni extravagance, ni dentelle. Uniquement du coton bio, doux, bien coupé. Ses culottes reflètent le besoin d’authenticité de Victoria de porter des sous vêtements qui correspondent à qui elle est vraiment. Et de notre échange est née une profonde réflexion :

Nos sous-vêtements sont-ils vraiment le reflet de qui nous sommes ?

visuel de Madame porte la culotte

C’est étrange comme un vêtement qui n’est à priori visible par personne cristallise l’image de la femme que nous devrions être : sexy, séduisante.

En tant que femme, s’habiller est pour moi un plaisir, un jeu où je peux jongler avec mes différentes identités de femme : parfois « féminine », parfois juste « normale », parfois les deux à la fois : jean troué, trop grand et talons hauts. En écrivant ces lignes, je m’interroge : pourquoi je me sens féminine quand je porte une jupe, pourquoi je me considère « normale » quand je suis casual. Et pourquoi pas l’inverse ? Le concept de féminité est une injonction, il « faut » être féminine mais pas trop sinon ça fait putain. Le casual oui, mais pas trop non plus sinon ça fait négligé.

Si j’ai bien conscience du jeu des identités et de l’injonction à la féminité qui se jouent quand je choisis mes vêtements, je n’avais jusque là jamais interrogé mon rapport aux sous-vêtement.

Sont- ils vraiment le reflet de qui je suis ? Pourquoi mes culottes en coton toute simples, je les appelle mes culottes de règles, alors que pourtant je les porte avec plaisir même quand je n’ai pas mes règles. Les seules fois ou je les porte pas, c’est quand potentiellement elles pourraient être vues.

J’ai cherché « citation Culotte » dans google, et je suis tombée sur cette phrase de Frederic Dard « C’est à la culotte de ses filles qu’on juge un pays ». Une citation aussi misogyne que révélatrice du pouvoir du jugement sur les sous vêtements. En tant que femme nous serons jugées sur nos sous vêtements, pire encore l’état du pays dépendrait de la décence de nos culottes. D’abord, il écrit en bon patriarche « ses »filles, bien sûr le corps des femmes appartient à l’état, ce n’est pas un corps indépendant. Et puis, si nous portons des strings nous serons indécentes, la valeur d’un pays dépendrait de la morale de ses femmes, l’homme quant à lui peut rester tranquille, à nous juger sans se questionner sur ses actions.

A la lecture de cette citation, le sous vêtement semble être conçu avant tout pour paraitre, pour plaire.

Le sous vêtement féminin est-il conçu avant tout pour faire plaisir aux hommes ?

Il n’y a qu’à voir les devantures des boutiques à la St Valentin. Pour être aimée, il faut être sexy et porter de la lingerie coquine. C’est triste d’en être réduite à un corps. Est-ce que les femmes jugent leur partenaire sur leur sous vêtement ? Et d’ailleurs, les hommes jugent-ils vraiment les femmes sur leur sous vêtement, dans des moments de désir les sous vêtements sont enlevés avec hâte sans même prendre soin de les regarder.

Devant ce constat amer, celui de la prise de conscience tardive, d’un domaine de plus où les femmes sont jugées et sont la cible d’injonctions contradictoires, je choisis de ne pas m’accabler.

Victoria, créatrice de la marque Madame porte la culotte a choisi de créer ce qui n’existait pas : des culottes simples, dégenrées.

Je m’insurge et pourtant je suis une femme cisgenre ( Le cisgenre est un type d’identité de genre où le genre ressenti d’une personne correspond à son sexe biologique, assigné à sa naissance).

Alors je me mets à la place des personnes non binaires, ciels qui se sentent parfois ou tout le temps homme dans un corps de femme. Mais comment on se sent quand on doit porter des culottes à froufou en dentelle quand on se sent homme dans un corps de femme ? Comment être à l’aise dans un corps non binaire si iel doit porter de la dentelle ?

Devant ce constat, il y a Victoria, qui crée des culottes pour se plaire à soi avant tout. Elle n’a jamais travaillé dans la confection, et pourtant elle s’élance et son audace permet à tant de personnes de s’interroger sur leur rapport au corps.
Dans cette réflexion, j’ai envie de partager avec vous les autres options de sous vêtements. J’ai envie d’avoir aussi l’audace de porter les sous vêtements qui me ressemblent.

mes culottes sont elles le reflet de qui je suis ?
mes culottes sont-elles le reflet de qui je suis ?


Être femme, c’est jongler entre une multitude d’identités, c’est se faufiler entre les idées reçues, c’est détourner les préjugés.
Il faut du chemin, de l’introspection et du courage pour être authentiquement soi jusque dans la culotte.

Ce qu’il y a de génial c’est que Madame porte la culotte écrit dans l’entrejambe de ses culottes des messages d’empowerment  tel que « ton corps est parfait tel qu’il est ».  Sa culotte est là pour nous rappeler que peu importe le sous vêtement, avant de vouloir que notre corps plaise, avec ou sans dentelle, il faut d’abord l’aimer très fort pour ne pas avoir besoin de l’approbation des autres à son sujet.

mes sous vêtements sont ils le reflet de qui je suis, ou qui je veux paraitre ? je les porte pour moi ou pour plaire ?

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Nina Helleboid - Chroniqueuse · Créatrice sonore · Autrice